B Corp et Fribourg: dynamique enclenchée

Jonathan Normand, fondateur et CEO de B Lab Suisse, était de passage à Granges-Paccot mardi matin 2 mai, dans le cadre des Matinales de PME. L’occasion pour lui d’évoquer l’importance du respect des critères ESG (environnement, social, gouvernance) pour les entreprises, la certification B Corp et la théorie du changement chère au mouvement B Lab. Entretien sur ces thèmes.

Business as a force for good. Plus qu’un slogan, un credo. C’est celui du mouvement B Corp. Encadré par l’association à but non lucratif mondiale B Lab, il propose une théorie du changement basée sur les entreprises: au lieu de ne se soucier que de leurs actionnaires, celles-ci sont invitées à prendre en compte toutes leurs parties prenantes et la planète dans leurs décisions et l’orientation de leurs affaires. L’étendard de ce mouvement? La certification B Corp, basée sur un standard de haute exigence et reconnue mondialement: 6600 firmes de 89 pays et de 160 secteurs d’industrie différents peuvent se targuer de l’avoir atteinte à ce jour, dont 90 en Suisse (mais une seule dans le canton de Fribourg, bravo Enoki - conception durable). Pour l’obtenir, une entreprise doit:

  1. Mesurer (à travers le BIA, lire ci-dessous) et améliorer ses performances dans 5 thématiques: Gouvernance, Collaborateurs.trices, Collectivité, Environnement et Clients;

  2. Modifier ses statuts pour y intégrer la prise en compte des intérêts de l’ensemble des parties prenantes;

  3. Rendre public son rapport d’impact B Corp sur le site web de B Lab.

Et le chemin ne s’arrête pas une fois la certification obtenue. B Corp n’est pas un “stempfel” qu’on obtient une fois et dont on peut se prévaloir ensuite. Les “B Corps” s’engagent, ensemble, pour promouvoir leur modèle dans la société en général et faire progresser la durabilité dans tous ses aspects.

Jonathan Normand, une seule entreprise purement fribourgeoise certifiée B Corp, ça vous inquiète?

Je dirais plutôt que cela s’explique. Fribourg est un berceau économique dynamique, mais encore marqué par une certaine forme de conservatisme. La certification B Corp est également très exigeante et il est ainsi normal de ne pas en voir partout. Historiquement, B Lab Suisse a commencé par être actif à Genève et s’est étendu depuis là, il faut donc aussi prendre en compte les spécificités locales avant de porter un jugement. Fribourg est un canton où l’innovation est mise en avant, l’Etat a publié une stratégie de durabilité: il serait erroné de conclure à un retard dans le domaine de la durabilité à Fribourg parce que le nombre total de B Corps y est faible, d’autant qu’un certain nombre de candidats travaillent actuellement à leur certification.

Fribourg se révèle aussi comme un pôle dynamique à travers notre programme Swiss Triple Impact (STI). Près de 60 entreprises participent activement à son essor. Sous la houlette de sa responsable régionale Maryline Dafflon, de nouvelles approches sectorielles se développent à travers des associations notamment dans les secteurs de la construction, l’agro-alimentaire, l’IT ou les institutions spécialisées. Chaque jour de nouvelles entreprises se montrent prêtes à entreprendre un parcours structurant pour améliorer leurs pratiques.

Le STI est un autre programme promu par B Lab Suisse. Il propose aux entreprises et collectivités une porte d’entrée plus accessible aux thématiques de durabilité et rencontre effectivement un succès croissant dans la région. Alors bonne nouvelle, ou signe d’une maturité encore en développement dans le domaine?

Bonne nouvelle. Et même excellente nouvelle, sans équivoque! Nous estimons que parmi les 680’000 entreprises en Suisse, un millier se penchent sérieusement sur leurs impacts environnementaux et sociaux; une moitié de celles-ci à peine a adapté sa gouvernance aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Chaque nouveau pas dans cette direction est un pas dans la bonne direction, quelle que soit la taille de ce pas. Il contribue à créer une dynamique. Le STI permet aux entreprises de se mettre en mouvement, de prendre des engagements concrets et mesurables et d’intégrer la durabilité dans leur modèle d’affaires. Pour progresser, nous avons un seul levier: l’action, à condition qu’elle soit mesurable. Nous en sommes persuadés, l’action est la courroie de transmission du changement!

« 60% des entreprises suisses seront en transmission d’ici à 2030 »
— Jonathan Normand

Sur les 680’000 entreprises dont je parlais, près de 60% seront en transmission d’ici à 2030. Il y a là une opportunité formidable pour conduire les transformations, de nouvelles directions à convaincre, de nouveaux cadres qui auront la possibilité de développer l’entreprise résiliente et forcément durable de demain. Alors oui, toute entreprise qui rejoint le mouvement, qui s’y intègre et permet de le propager, est une bonne nouvelle.

Vous parlez de convaincre: comment s’y employer?

B Lab Suisse œuvre pour créer une infrastructure de marché (c'est-à-dire le cadre rassemblant le monde économique, les pouvoirs publics, les associations issues de la société civile, les consommateurs et même les citoyens) inclusive, équitable et régénérative. A travers nos programmes tels que B Corp et le STI, mais aussi le Swiss Boards for Agenda 2030 ou la B Academy, où nous formons des cadres et des conseillers, nous nous efforçons de rassembler les acteurs autour d’une dynamique. L’idée est de générer du mouvement, de fédérer pour démultiplier l’impact. C’est pourquoi nous développons un réseau de partenaires. Notre ambition est d’être un catalyseur, et non un acteur unique. Car notre mode de travail repose sur la collaboration et l’intelligence collective.

Le BIA: un outil gratuit pour évaluer ses pratiques et performances

Le B impact assessment, ou BIA, permet, comme son nom l’indique, de mesurer l’impact de son entreprise en termes de durabilité. Il s’adapte à votre entreprise selon sa taille, sa localisation et son activité et vous demande de répondre à un certain nombre de questions dans 5 catégories: Gouvernance, Collaborateurs.trices, Collectivité, Environnement et Clients. Pour obtenir la certification B Corp, vous devrez faire valider un score de 80 points au minimum (Patagonia a réussi à en obtenir 150, mais les PME suisses qui s’y attaquent la première fois n’en marquent que 65 en moyenne). Mais même si vous ne visez pas la certification, engager ce processus vous permettra de vous faire une image claire de la maturité de votre entreprise. Comme l’outil est gratuit et sa confidentialité garantie par B Lab, il serait dommage de vous en priver!

Précédent
Précédent

Projets21 et les plans de mobilité

Suivant
Suivant

PVsyst: la durabilité passe aussi par la qualité